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Blachère, 1957

Sourate XIX.
Marie.

Titre tiré des vt. 16 sqq.

Cette sourate est formée de trois parties.

Au nom d’Allah, le Bienfaiteur miséricordieux.

[Annonce a Zacharie.]

1 K. H. Y. ‛. Ṣ. [1]

1/2 Récit de la miséricorde de ton Seigneur envers son serviteur Zacharie. [2]


2/3 Quand [Zacharie] invoqua secrètement son Seigneur,

3/4 il lui dit : « Seigneur ! mes os, en moi, sont affaiblis et ma tête s’est éclairée par la canitie.

4 Dans ma prière à Toi, Seigneur, [jamais cependant], je ne fus malheureux.

5 Or je crains les miens, après ma mort. Bien que ma femme soit stérile, accorde-moi un descendant venu de Toi, [3]

6 qui hérite de moi et de la famille de Jacob, et fais, Seigneur, qu’il [] soit agréable ! »

7 — « O Zacharie ! Nous t’annonçons un garçon dont le nom est Jean, [4]

8/7 à qui, dans le passé, Nous n’avons pas donné d’homonyme. » [5]

[330] 9/8 — « Seigneur ! », dit [Zacharie], « comment aurais-je un garçon alors que ma femme est stérile et qu’elle a atteint la caducité de l’âge ? »

10/9 — « Ainsi il sera », répondit-Il. « Ton Seigneur a dit : Cela est pour moi facile, puisque Je t’ai créé antérieurement alors que tu n’étais rien. » [6]

11/10 — « Seigneur ! », reprit [Zacharie], « fixe-moi un signe ! » — « Ton signe », dit-Il, « sera que tu ne parleras pas aux gens durant trois jours entiers. »

12/11

13/12 … « O Jean ! tiens l’Écriture avec force ! » et Nous lui donnâmes l’Illumination (ḥukm) en son enfance, [8]

14/13 ainsi que de la tendresse et de la pureté venues de Nous. Il fut pieux,

14 bon pour ses père et mère et ne fut ni violent ni désobéissant.

15 Salut sur lui au jour où il naquit, au jour où il mourra et au jour où il sera rappelé vivant !

[Annonce a Marie. Naissance et mission de Jésus.]

16 Et, dans l’Écriture, mentionne Marie quand elle se retira de sa famille en un lieu oriental [9]

17 et qu’elle disposa un voile en deçà d’eux. Nous lui envoyâmes Notre Esprit et il s’offrit à elle [sous la forme] d’un mortel accompli.

18 « Je me réfugie dans le Bienfaiteur, contre toi », dit [Marie]. « Puisses-tu être pieux ! »

19 — « Je ne suis », répondit-il, « que l’émissaire de ton Seigneur, [venu] pour que je te donne un garçon pur. »

20 — « Comment aurais-je un garçon », demanda-t-elle, « alors que nul mortel ne m’a touchée et que je ne suis point femme ? »

21 — « Ainsi sera-t-il », dit [l’Ange]. « Ton Seigneur a dit : Cela [331] est pour Moi facile et Nous ferons certes de lui un signe pour les gens et une grâce (raḥma) [venue] de Nous : c’est affaire décrétée. »

22 Elle devint enceinte de l’enfant et se retira avec lui dans un lieu éloigné.

23 Les douleurs la surprirent près du stipe du palmier. « Plût au ciel », s’écria-t-elle, « que je fusse morte avant cet instant et que je fusse totalement oubliée ! » [10]

24 [Mais] l’enfant qui était à ses pieds lui parla : « Ne t’attriste pas ! Ton Seigneur a mis à tes pieds un ruisseau.

25 Secoue vers toi le stipe du palmier : tu feras tomber sur toi des dattes fraîches et mûres.

26 Mange et bois et que ton œil se sèche ! Dès que tu verras quelque mortel, dis :

27/26 « Je voue au Seigneur un jeûne et ne parlerai aujourd’hui à aucun humain ! »

28/27 Elle vint donc aux siens, portant [l’enfant]. « O Marie ! », dirent-ils, « tu as accompli une chose monstrueuse !

29/28 O sœur d’Aaron ! ton père n’était pas un père indigne ni ta mère une prostituée ! »  [11]

30/29 Marie fit un signe vers [l’Enfant]. « Comment », dirent-ils, « parlerions-nous à un enfançon qui est au berceau ? »

31/30 Mais [l’enfant] dit : « Je suis serviteur d’Allah. Il m’a donné l’Écriture et m’a fait Prophète !

32/31 Il m’a béni où que je sois et m’a recommandé la Prière et l’Aumône tant que je resterai vivant,

33/32 ainsi que la bonté envers ma mère. Il ne m’a fait ni violent ni malheureux.

[332] 34/33 Que le salut soit sur moi le jour où je naquis, le jour où je mourrai et le jour où je serai rappelé vivant ! »

35/34 Celui-là est Jésus fils de Marie. Parole de vérité qu’ils révoquent en doute ! [12]

36/35 Il n’était pas séant à Allah de prendre quelque enfant. Gloire à Lui ! Quand Il décide quelque chose, Il dit seulement : « Sois ! » et elle est.

37/36 Allah est mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le donc ! C’est une voie droite.

38/37 Les factions (’aḥzâb) ont été en opposition entre elles. Malheur à ceux qui auront été incrédules, lors de la vue d’un jour terrible !

39/38 Comme ils entendront et comme ils verront le jour où ils viendront à Nous ! Mais les Injustes aujourd’hui sont dans un égarement évident.

40/39 Avertis-les du Jour de la Lamentation, quand l’Ordre sera décrété, tandis qu’ils sont dans l’insouciance et qu’ils ne croient pas !

41/40 Nous, Nous héritons de la terre et de ceux qui s’y trouvent et, vers Nous, ceux-ci seront ramenés.

[Histoire d’Abraham.]

42/41 Et mentionne, dans l’Écriture, Abraham qui fut juste [ṣiddîq] et prophète,

43/42 quand il dit à son père : « Cher père ! pourquoi adores-tu ce qui n’entend ni ne voit ni ne te sert à rien ?

44/43 Cher père ! moi j’ai reçu en savoir ce que tu n’as pas reçu. Suis-moi donc, je te guiderai en une voie unie !

45/44 Cher père ! n’adore pas Satan [car], envers le Bienfaiteur, il fut indocile.

46/45 Cher père ! je crains que ne te touche un tourment du Bienfaiteur, et que tu ne sois un suppôt du Démon. »

47/46 [Son père] dit : « Aurais-tu de l’aversion pour nos divinités ? ô Abraham ! Si tu ne cesses, certes je te lapiderai ! Éloigne-toi de moi pour un temps ! »

48/47 — « Salut sur toi ! », répondit Abraham. « Je demanderai le pardon pour toi à mon Seigneur [car] Il a été pour moi bienveillant.

[333] 49/48 Je m’écarte de vous et de ce que vous priez, en dehors d’Allah. Je prie mon Seigneur. Peut-être ne serai-je point malheureux en ma prière pour mon Seigneur. »

50/49 Quand [Abraham] se fut écarté d’eux et de ce qu’ils adoraient en dehors d’Allah, Nous lui donnâmes Isaac et, de chacun, Nous fîmes un prophète.

51/50 Nous leur donnâmes [un peu] de Notre Grâce (raḥma) et leur accordâmes une bouche sublime de véracité.

[Histoire de Moïse, d’Ismaël et d’Idris.]

52/51 Et mentionne, dans l’Écriture, Moïse qui fut dévoué et fut apôtre et prophète.

53/52 Nous lui parlâmes sur le côté droit du Mont [Sinaï] et le fîmes approcher comme un confident.

54/53 Par Notre miséricorde, Nous lui donnâmes son frère Aaron comme prophète.

55/54 Et mentionne, dans l’Écriture, Ismaël qui fut sincère en sa promesse et fut apôtre et prophète,

56/55 Il ordonnait à sa famille la Prière et l’Aumône (zakât) et il fut agréé devant son Seigneur.

57/56 Et mentionne, dans l’Écriture, Idris qui fut pur (ṣiddîq) et prophète

58/57 et que Nous élevâmes à un rang auguste.

59/58

[334] 60/59 Après eux vinrent des successeurs qui délaissèrent la Prière, suivirent leurs passions : ils rencontreront le Mal,

61/60 à l’exception de ceux qui sont venus au repentir, ont cru et ont fait œuvre pie. Ceux-là entreront au Jardin et ne seront en rien lésés,

62 Jardins d’Eden promis par le Bienfaiteur à Ses serviteurs [qui ont cru] à l’Inconnaissable. Sa promesse sera tenue.

63/62 Ils n’y entendront nul verbiage mais « Salut ! », et ils y auront leur subsistance (rizq) matin et soir.

64/63 Voilà le Jardin que Nous donnons en apanage à ceux de Nos serviteurs qui furent pieux.


65/64 Nous ne descendons que sur ordre de ton Seigneur. A Lui appartient tout ce qui est entre nos mains, ce qui est derrière nous et ce qui est entre les deux. Ton Seigneur n’est pas oublieux. [14]

66/65 [Il est] le Seigneur des Cieux, de la Terre et de ce qui est entre eux. Adore-Le donc et sois constant à l’adorer ! Lui connais-tu un homonyme ?

67/66 L’Homme dit : « Quand je serai mort, serai-je sorti vivant [de la tombe] ? »

68/67 Eh quoi ! l’Homme ne se souvient-il pas que Nous l’avons créé antérieurement alors qu’il n’était rien ?

69/68 Par ton Seigneur ! certes, Nous les rassemblerons ainsi que les Démons puis, certes, Nous les présenterons agenouillés autour de la Géhenne ! [15]

70/69 Ensuite Nous arracherons, certes, de chaque groupe, quiconque aura été le plus arrogant envers le Bienfaiteur.

71/70 Car Nous sommes, certes, très au fait de ceux qui méritent le plus d’affronter la Géhenne.

72/71 Il n’est, parmi vous, personne qui n’arrive point à elle ! C’est, pour ton Seigneur, un arrêt décidé,

73/72 [mais] ensuite Nous sauverons ceux qui furent pieux et laisserons là, agenouillés, les Injustes.

[335] 74/73 Quand Nos signes leur sont communiqués comme preuves, ceux qui sont infidèles disent à ceux qui croient : « Lequel de nos deux groupes a le meilleur séjour et la meilleure assemblée ? »

75/74 Combien [pourtant], avant eux, avons-Nous fait périr de générations qui en imposaient davantage par les biens et l’apparence ?


76/75 Dis : « Que le Bienfaiteur prolonge un temps ceux qui sont dans l’égarement,

77/75 jusqu’à ce qu’ils voient soit le Tourment, soit l’Heure dont ils sont menacés. Ils sauront alors qui est le plus mal en place et le plus faible en troupe. »

78/76 Allah dirige constamment davantage ceux qui vont dans la bonne direction.

79/76 Les impérissables œuvres pies, auprès de ton Seigneur, reçoivent la meilleure récompense et la meilleure fin.

80/77 Celui qui ne croit pas à Nos signes et qui dit : « Je recevrai certes biens et enfants », estimes-tu

81/78 qu’il connaisse l’Inconnaissable ou qu’il ait pris un pacte auprès du Bienfaiteur ?

82/79 Non point ! Nous écrivons ce qu’il dit et Nous prolongerons pour lui le Tourment largement.

83/80 Nous lui donnons en apanage ce qu’il dit et il viendra à Nous isolé.

84/81 Ils ont pris, en dehors d’Allah, des divinités, afin qu’elles leur soient une puissance.

85/82 Non point ! Ces divinités renieront leur adoration pour elles et seront pour eux des adversaires.

86/83 Ne vois-tu pas que Nous avons lâché les Démons contre les Infidèles afin qu’ils [les] excitent au mal ?

87/84 Ne marque pas de précipitation contre eux ! Nous leur compterons seulement leur temps.

88/85 Au jour où Nous rassemblerons les Pieux, en masse, vers le Bienfaiteur,

89/86 où Nous pousserons les Coupables, en troupe, vers la Géhenne,

90/87 [ces Infidèles] ne posséderont aucune intercession sauf ceux qui ont pris un pacte auprès du Bienfaiteur.

[336] 91/88 « Le Bienfaiteur », disent-ils, « a pris des enfants ». [16]

91/89 Vous avancez certes là une chose abominable

92/90 dont les cieux manquent de se fendre, la terre de s’entr’ouvrir et les monts de tomber en poussière !

93/91 Comment ont-ils attribué des enfants au Bienfaiteur,

93/92 alors qu’il n’est point séant au Bienfaiteur de prendre des enfants ?

94/93 Tous ceux qui sont dans les cieux et sur la terre viennent au Bienfaiteur, sans exception, en serviteurs.

94 Il les a certes dénombrés et les a bien comptés.

95 Tous viendront à Lui, au Jour de la Résurrection, isolément.

96 A ceux qui auront cru et auront accompli des œuvres pies, le Bienfaiteur accordera [Son] amour.

97 Nous l’avons simplement facilité par ta voix pour que tu en fasses l’heureuse annonce aux Pieux et que tu en avertisses un peuple hostile. [17]

98 Avant eux, que de générations Nous avons fait périr ! Sens-tu un seul d’entre les hommes [de ces générations] ? Entends-tu un murmure venu d’eux ?

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[1] 1 Sur ces sigles (qui forment un vt. dans la recension du Caire), v. Introd., 144.

[2] 1/2 Il est très vraisemblable que ceci constitue un titre datant de la mise par écrit. Le récit suivant résume Évangile de Luc, I, 5-25 aussi bien qu’Évangile de l’Enfance, III, 4.

[3] 5 al-mawâlî « les miens ». Les commt. prennent ce terme avec le sens de « proches », ce qui est plausible. Mais il semble que l’on ait ici une allusion à l’hostilité des autres prêtres envers Zacharie qui n’avait pas de progéniture ; v. Évang. de l’Enf., p. 79.

[4] 7 Dans ce vt. et le suiv., c’est Dieu qui parle directement. Dans le passage parallèle de la sourate III, 33, l’annonce est faite à Zacharie, par un ange, comme dans Luc et Évang. de l’Enf.

[5] 8 A qui Nous n’avons pas donné d’homonyme. Cf. Luc, I, 59 sqq. : On lui donnait le nom de Zacharie, comme son père, mais la mère dit : « Non ! Il s’appellera : Jean. » Ils lui dirent : « Il n’y a personne, dans la famille, qui porte ce nom. »

[6] 10 Répondit-Il. Le pronom, dans ce vt. et le suiv., représente aussi Dieu.

[7] 12 al-miḥrâbi « du sanctuaire ». V. sourate III, 32, note.

[8] 13 Le texte paraît présenter une lacune.

[9] 16-17 Sous la forme d’un mortel accompli. Cf. dans Évang. de l’Enf., V, 3 : L’incorporel lui apparut sous l’apparence d’un être corporel. V. aussi Pseudo-Matthieu, IX : Un jeune homme dont on n’aurait pu décrire la beauté.

[10] 23-32 Près du stipe du palmier. Ce trait et les suivants sont parallèles à Pseudo-Matthieu, XX, qui toutefois place la scène lors de la Fuite en Égypte. ǁ min taḥti-hâ « à ses pieds » et non « de dessous elle », comme on traduit souvent. Ce sens est usuel dans la langue coranique et, ici, est confirmé par le détail du Pseudo-Matthieu : Alors l’enfant Jésus qui reposait sur les genoux de sa mère, dit

[11] 29 Sœur d’Aaron. Dans la sourate III, 31, la mère de Marie est nommée : femme de Imrân et dans la sourate LXVI, 12, Marie est appelée : Marie fille de Imrân, ce qui s’oppose à la tradition chrétienne telle qu’elle figure dans les Évangiles Apocryphes (les seuls qui nous renseignent sur ce point) où le père de Marie est nommé Joachim. Cela a alimenté la polémique chrétienne contre l’Islam, peut-être du vivant même de Mahomet ; v. dans Tab, l’objection qu’auraient faite les Chrétiens de Najran en voyant confondues Marie mère de Jésus et la prophétesse Marie sœur d’Aaron dont parle Exode, XV, 20, et Nombres, XII, 1 sqq. Sensible à cette attaque, l’exégèse islamique propose de voir dans le Aaron ici mentionné un autre personnage que le frère de Moïse ou de donner au complexe sœur d’Aaron le sens de descendante d’Aaron.

[12] 35 Ce vt. et les suiv. sont sans doute une addition introduite plus tard, au moment où Mahomet a engagé la lutte contre la doctrine chrétienne de Jésus fils de Dieu.

[13] 59 Ce vt., très long, est soit en tout, soit en partie une addition très postérieure. Il est toutefois donné à penser que seul le texte en italique est médinois.

[14] 65 Nous ne descendons. Cette leçon est celle de la Vulgate. Sans doute s’agit-il des Anges. On a aussi les var. : Il (= le texte révélé) ne descend.

[15] 69-73 Détails importants sur la conception du Jugement Dernier.

[16] 91 ’ittaḫaḏa waladan « a pris des enfants ». Ce pl. se justifie par les nombreux passages (cf. sourate IV, 11) où walad semble avoir une valeur de collectif : « progéniture », « descendance » ; cf. ci-dessus vt. 80. Dans ce cas le trait vise les Polythéistes qui associent à Allah des divinités engendrées par lui. Si l’on traduit au contraire par le sing. : un enfant, le trait vise les Chrétiens et leur doctrine de Jésus fils de Dieu.

[17] 97 Nous l’avons. Le pronom l, selon les commt., représente le texte de la Révélation. Il est toutefois admissible de penser qu’il représente l’annonce du Jugement Dernier dont il est parlé dans les vt. précédents.