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Du Ryer, 1647

LE CHAPITRE DE LA FOURMY,
contenant quatre-vingt treize versets,
escrit à la Meque.

AU nom de Dieu clement & misericordieux.

Dieu est tres-pur, il entend tout. Ces mysteres sont les mysteres de l’Alcoran, qui distingue la verité d’avec le mensonge, il conduit les hommes au droict chemin, & annonce les joyes de Paradis à ceux qui croyent en la loy de Dieu, qui font leurs oraisons au temps ordonné, qui payent les dixmes, & qui ont [ 359] cognoissance de leur fin. Ceux qui ne croyent pas au jour du Jugement, trouvent bon ce qu’ils font, & sont dans la confusion, ils seront à la fin au nombre des gens perdus. L’Alcoran t’a esté apporté de la part du tres-prudent qui sçait tout ; Souviens toy que Moyse a dit à sa famille, je voids un feu, je m’en vais à luy, je vous en apporteray des nouvelles, je vous en apporteray une étincelle, peut-estre que vous en serez rechauffez, lors qu’il a esté proche de ce feu il a oüy une voix qui luy a dit. O Moise, ce qui est dans ce feu, & ce qui est à l’entour est benit, Loüange est deuë à Dieu Seigneur de l’Univers, je suis Dieu tout-puissant & eternel, jette ton baston en terre ; Lors que Moise a veu mouvoir son baston comme s’il eust eu vie, il s’est retiré tout pensif, & ne retournoit plus ; N’aye pas peur de ce baston, mes Messagers & mes Prophetes n’ont point de peur auprés de moy, celuy qui se convertira me trouvera clement & misericordieux, mets ta main en ta pochette, elle en sortira blanche sans mal, elle sera une des neuf marques de ma toute-Puissance ; Pharaon & ses ministres sont entierement dévoyez, lors qu’ils ont veu mes miracles ils ont dit que ce n’est que sortilege, ils les ont mesprisés & ont augmenté leur impieté ; considere quelle est la fin des meschants, & comme ils ont esté exterminez. Nous avons donné la science à David & à Salomon ; ils ont dit, Loüé soit Dieu qui nous a gratifié par dessus plusieurs de ses serviteurs qui ont crû en sa toute-Puissance ; Salomon a esté heritier [ 360] de David, & a dit au peuple, nous sçavons le langage des oyseaux, nous sçavons tout ce qu’on peur sçavoir, c’est une tres-grande grace. L’armée de Salomon s’est un jour assemblée auprès de luy, composée d’hommes,, de Demons & d’oyseaux, il l’a conduit à la valée des fourmis, une fourmy leur Reine a crié. O fourmis entrez dans vos maisons afin que Salomon & ses troupes ne vous foulent aux pieds sans le cognoistre. Salomon entendant ces paroles demeura quelque temps sans parler, & à la fin il se prit à rire, & dit, Seigneur sois en mon ayde, afin que je te remercie de tes bien-faicts, & des graces que tu as données à mon pere, si je fais bien, tu l’auras agreable, mets-moy par ta misericorde au nombre de ceux qui exaltent ta gloire ; Il demanda la uppe, & dit, pourquoy ne voids-je pas la uppe ? est-elle au nombre des absents ? je la chastieray, & la feray mourir si elle n’a une excuse legitime ; peu de temps apres elle s’humilia devant Salomon, qui luy demanda d’où elle venoit, elle respondit, je viens de voir ce que tu ne voids pas, je viens du Royaume de Saba, d’où je t’apporte des nouvelles assurées ; I’ay trouvé une femme leur Reyne qui a tout ce qui est necessaire à un Roy, elle a un grand & magnifique trosne, je l’ay treuvée elle & ses subiets qui adoroient le Soleil, le Diable leur faisoit trouver leur action agreable, il les a devoyez du droict chemin, & seront devoyez jusques à ce qu’ils adorent un seul Dieu qui envoye la pluye du Ciel, & qui fait produire à la terre ses plantes & ses fruicts, qui sçait tout ce qui est [ 361] dans le cœur des hommes & tout ce qu’ils disent ; Dieu ! Il n’y a qu’un seul Dieu Seigneur de l’Univers. Salomon dit, je verray bien tost si tu dis la verité ou si tu es au nombre des menteurs, va luy porter cette lettre, & observe ce qu’elle & ses gens respondront. (A son arrivée) cette Reyne dit à ses Ministres : O vous qui estes eslevez en dignité dans mes estats, on m’a donné une lettre de la part de Salomon de cette teneur. Au nom de Dieu clement & misericordieux, ne vous eslevez pas contre moy & m’obeissez. Donnez-moy conseil de ce que je dois faire, je ne feray rien sans vostre advis, & que vous ne le voyez de vos yeux : Ils ont respondu, nostre bon-heur & nostre malheur dependent de toy, commande tout ce qui t’agrera nous t’obeïrons. Elle a dit, lors que les Rois entrent dans une ville ils y apportent plusieurs desordres, ils abbaissent & humilient les principaux des habitans & les plus relevez, si Salomon & ses gens viennent icy ils en useront de la façon, je trouve à propos de luy envoyer un Ambassadeur avec quelques presens, peut-estre qu’il prendra la volonté de s’en retourner. Lors que l’Ambassadeur a esté arrivé auprés de Salomon, il luy a dit, m’apportez-vous des presens ? Dieu m’a don plus de richesses qu’à vous, les presens vous resjouïssent par ce que vous les aymez ; retournez à ceux qui vous ont envoyé, je les iray voir avec des forces si grandes qu’ils ne pourront pas resister, je les chasseray de leurs estats, & seront mal-heureux s’ils ne m’obeïssent ; Alors il a dit à ses gens, Messieurs, [ 362] Qui m’aportera le siege Royal de cette femme avant qu’elle & ses sujets m’obeyssent, un d’entre les Demons luy dit, Je l’apporteray avant que tu sois levé de ta place, je suis assez fort pour le porter, je le porteray fidellement. Un de ceux qui estoient aupres de Salomon qui sçavoit les escriptures, dit, Je te l’apporteray dans un clein d’œil ; Lors que Salomon vit ce Trosne devant luy, il dit, Voila une grace de Dieu pour esprouver si je serai recognoissant de ses bienfaits [1] , celui qui remercie Dieu de ses graces fait ce qu’il doit, il n’a pas affaire de celui qui en est ingrat ; Je verrai si elle suit le droict chemin, ou si elle est au nombre des devoyez [2] , Ils changerent quelque chose en son siege Royal pour esprouver si elle le connoistroit lors qu’elle seroit arrivée aupres de Salomon ; on le lui a monstré à son arrivée, & demandé si le sien estoit semblable, elle a dit, il lui ressemble comme lui mesme, Elle avoit connoissance du droit chemin, mais ce que ses gens & elle adoroient au lieu de Dieu, l’avoit devoyée de l’obeyssance de sa divine Majesté. On lui dist d’entrer dans une galerie, Lors qu’elle vid le pavé, elle crût que c’estoit de l’eau, & decouvrit sa jambe levant sa robbe de peur de la moüiller, Salomon lui dit que le pavé estoit de verre poli, & l’exhorta d’embrasser la loi de Dieu. Alors elle dit, Seigneur, je me suis fait tort à moi mesme de t’avoir offencé, je suis obeyssante avec Salomon,, aux Commandemens du Dieu de l’Univers. Nous avons envoyé Salhé à Temod, & ses gens pour les exhorter de n’adorer qu’un seul [ 363] Dieu ; il leur a dit, O peuple accourez à la misericorde de Dieu, si vous luy demandez pardon, vous serez pardonnez ; Ils ont dit, Nous veux-tu mettre dans ton erreur ? & dans l’erreur de ceux qui sont avec toi ? Il a dit, Dieu vous chastiera vous estes des seditieux. Ils estoient neuf personnes dans la ville qui sallissoient la terre, & ne faisoient point de bien, ils avoient dit entr’eux, Tuons cette nuit le Prophete & ceux de sa suitte, nous dirons à ceux qui le chercheront que nous ne l’avons pas veu, ny ceux qui l’ont tué, & jurerons que nous disons la verité, ils ont fait les fins, mais nous avons esté plus fin qu’eux, & ne l’ont pas connu, considere quel a esté l’effet de leurs finesses, nous les avons exterminez avec leurs adherans, & leurs maisons sont demeurees desertes à cause de leur impieté ; cela servira d’exemple à ceux qui ont connoissance de nostre toute-Puissance, nous avons sauvé le Prophete & tous les vray-croyans qui estoient avec luy. Souviens-toy de l’Histoire de Loth, qui a dit à ses concitoyens, Vous salirez vous tousjours dans l’ordure à la veuë les uns des autres ? aimerez-vous les hommes plus que les femmes ? vous estes des ignorans ; Ils ont respondu, Chassons Loth & sa famille de nostre ville, ils ne se salissent pas comme nous ; Nous l’avons sauvé & toute sa famille excepté sa femme, elle est demeurée entre ceux qui ont esté chastiez, nous avons fait pleuvoir sur eux une pluye qui leur a fait connoistre la rigueur de nos chastimens. Dis leur, loüé soit Dieu qui [ 364] extermine les Impies, & salut à tous ceux qu’il a esleu, ne sont ils pas plus heureux que ceux qui croyent qu’il y a plusieurs Dieux ? Qui a creé les Cieux & la terre ? Qui a fait tomber la pluye du Ciel ? Qui a fait produire plusieurs jardins delicieux ? vous n’aviez pas le pouvoir de faire pousser les plantes sans l’ayde de Dieu, Certainement les infideles sont devoyez du droit chemin. Qui a affermy la terre & fait couler les rivieres ? Qui a appesanty les montagnes ? Qui a mis la separation qui est entre les mers autre que Dieu ? La plus grande partie du monde ne le connoist pas. Qui rend les hommes mal-heureux ? & qui les délivre d’affliction lors qu’ils l’invoquent ? Qui vous fait multiplier & laisser vostre posterité en terre autre que Dieu ? Neantmoins peu de gens l’en remercient ; Qui vous conduit dans l’obscurité de la terre & de la mer ? Qui envoye les vents avant-coureurs de la pluye autre que Dieu ? il est tres-hault & tres-puissant, mais les Impies ne veulent pas considerer les effets de sa Toute-puissance. Qui forme les hommes ? Qui les fait vivre, mourir & ressusciter ? Qui les enrichy des biens du Ciel & de la terre autre que Dieu ? Dis leur, Dites vos raisons, apportez vos arguments si ce que vous dites est veritable ; dis leur, personne ne sçait ce qui est au Ciel & en la Terre, personne ne sçait le futur, le present & le passé que Dieu, les hommes sçavent ils le jour de la Resurrection ? au contraire ils en doutent & sont aveuglez. Les impies ont dit, Quoy ? Nous serons poussiere comme sont nos peres & nous sortirons [ 365] des monuments ? cela a esté cy-devant promis à nos peres & à nous, ce n’est que fable de vieilles gens : dis leur, qu’ils considerent qu’elle a esté cy-devant la fin des meschants ; ne t’afflige pas de ce qu’ils conspirent contre toy, & de ce qu’ils demandent en quel temps ils verront la punition qu’on leur a promise : dis leur, elle n’est pas esloignée de vous, vous vous y precipitez, mais Dieu est pitoyable envers son peuple, neantmoins la plusgrande partie ne le remercie pas de sa grace, ton Seigneur sçait tout ce qui est en leur cœur & tout ce qu’ils disent, il n’y a rien au Ciel ny en la Terre qui ne soit escrit dans un livre tres-intelligible, l’Alcoran explique aux enfans d’Israel la plusgrande partie de leurs difficultez, il les conduira au droict chemin, & delivrera des peines de l’Enfer ceux qui te croiront, ton Seigneur les jugera au jour du Jugement, il est tout-Puissant & sage : confie toy en Dieu, tu és au chemin de la verité, les morts & les sourds ne t’escouteront pas, & les infidelles s’esloigneront de toy pensifs & estonnez, tu ne dois pas conduire les aveugles, ny faire entendre les sourds, excepté ceux qui croiront en l’Alcoran, & seront obeïssants, lorsque le temps sera venu de la punition qu’on leur a promise, nous ferons sortir un animal de dessous la terre qui leur parlera & dira, Le Peuple ne croid pas en la Loy de Dieu, il ne c onnoist pas ses miracles. Souviens-toy du jour que j’assembleray un bon nombre de toutes les nations qui ont desobey à mes commandements, pour rendre compte de leurs [ 366] actions : Je leur diray, vous avez dementy mes Prophetes, vous ne sçaviez pas ce que vous disiez, qu’avez vous fait ? Alors ils seront chastiez de leurs pechez, & seront sans excuse, ils ne diront pas un mot. Les infidelles ne voyent-ils pas que nous avons creé la nuit pour reposer & le jour pour travailler ? Cela est une marque de ma toute Puissance ; Souviens-toy du jour que l’Ange sonnera la trompette, & que tout ce qui est au Ciel & en la Terre tremblera de peur, excepté ceux qui seront en la grace de Dieu, ce jour tu verras les montagnes suspenduës cheminer comme les nuës, ce sera une œuvre de Dieu qui a creé toute chose, & qui sçait la fin de toute chose, celuy qui aura fait de bonnes œuvres en sera recompensé, il sera sans apprehension, & ceux qui auront mal fait demeureront dedans le feu d’Enfer ; On leur dira, n’estes vous pas chastiez selon vos demerites. Dis au peuple, je vous ordonne d’adorer le Seigneur de cette ville privilegiée [3] , tout luy appartient, je vous recommande de croire en l’unité de sa divine Majesté, & d’estudier l’Alcoran, qui bien fera bien trouvera. Dis à celuy qui sera devoyé, je ne suis envoyé que pour prescher les tourmens de l’Enfer ; Dis aux vray-croyans, loüé soit Dieu qui vous a fait voir ses miracles, & qui vous a donné la cognoissance du droict chemin, ton Seigneur n’est pas ignorant de ce qu’ils font.

notes originales réduire la fenêtre

[1] Gelaldin dit qu’il sçavoit le nom de Dieu.

[2] Cette Reyne se nommoit Balkis. Voy Gelaldin.

[3] C’est la Meque, Voy Gelaldin.