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Blachère, 1957

Sourate LIX.
Le Rassemblement.
(Al-Ḥašr.)

Titre tiré du vt. 2 V. la note.

Cette sourate est incontestablement médinoise. Le début fait allusion à l’expulsion d’une tribu juive de Médine. La Tradition déclare qu’il s’agit du groupe des Naḍîr. Selon cette Tradition, les Naḍîr, enrichis par leur travail artisanal, le prêt usuraire et le commerce, possédaient à une demi-journée de Médine des palmeraies et des fortins qui leur assuraient une place importante dans la vie de l’oasis. Politiquement, ils étaient clients des Arabes Aws et, à l’arrivée de Mahomet, certains d’entre eux ne masquèrent point leur hostilité à l’égard des Émigrés mekkois. Mahomet, en août 625, arguant du refus des Naḍîr d’acquitter une redevance, leur intima l’ordre de quitter Médine dans les dix jours, avec faculté toutefois d’emporter tous leurs biens meubles et de venir chaque année faire la récolte des dattes. Les Naḍîr, un instant, acceptèrent leur sort. Toutefois, excités en sous-main par le chef de la faction des Hypocrites, ‛Abd-Allah ibn Ubayy, ils revinrent sur leur décision et se retranchèrent dans leurs fortins. Assiégés par les Musulmans, abandonnés de tous, même de ‛Abd-Allah, ils capitulèrent sans combat. Tous leurs biens furent confisqués au profit des seuls Émigrés mekkois, sauf ce qui put être chargé sur des bêtes de somme, et les Naḍîr émigrèrent à Khaïbar, au nord de Médine.

[586] Au nom d’Allah, le Bienfaiteur miséricordieux.

[Expulsion d’une tribu juive de Médine. Dispositions, pour le partage du butin, propres a cette circonstance.]

1 Ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre glorifie Allah. Il est le Puissant, le Sage. [1]

2 Il est Celui qui expulsa de leurs habitats, en prélude à leur rassemblement [pour le Jugement Dernier], ceux des Détenteurs de l’Écriture qui ont été impies. Vous ne pensiez pas [, Croyants !,] qu’ils partiraient, et ils pensaient que leurs fortins les défendraient contre Allah. [Mais] Allah les a atteints par où ils ne l’escomptaient pas. Il a jeté l’effroi dans leurs cœurs. Ils démoliront leurs demeures de leurs mains avec le concours des Croyants. Tirez-en leçon, ô vous doués de clairvoyance ! [2]

3 Si Allah n’avait point prescrit l’exode, à leur encontre, Il les aurait tourmentés en cette [Vie] Immédiate. [Mais] dans la [Vie] Dernière, ils auront le tourment du Feu.

4 C’est qu’en effet ils se sont séparés d’Allah et de Son Apôtre. Or, quiconque se sépare d’Allah [en subit la punition], car Allah est redoutable en [Son] châtiment.

5 Tout palmier que vous avez coupé ou que vous avez épargné, droit sur pied, [le fut] avec la permission d’Allah et pour confondre les Pervers.

6 Ce qu’Allah a octroyé comme prise à Son Apôtre, sur [ces Détenteurs de l’Écriture], vous n’avez fourni, pour le prendre, ni chevaux ni montures. Allah toutefois donne pouvoir à Ses Apôtres, sur qui Il veut et Allah, sur toute chose, est omnipotent. [3]

[587] 7 Ce qu’Allah a octroyé comme prise, à Son Apôtre, sur la population des Cités, appartient à Allah, à l’Apôtre, au Proche [de celui-ci], aux Orphelins, aux Pauvres, au Voyageur, afin que cela ne soit point quelque chose de dévolu aux Riches, parmi vous. Ce que l’Apôtre vous a donné, prenez-le ! Ce qu’il vous a interdit, interdisez-le-vous ! Soyez pieux envers Allah ! Allah est redoutable en [Son] châtiment. [4]

8 [Ce butin] appartient aux Émigrés besogneux qui ont été expulsés de leurs habitats et de leurs biens, étant en quête d’une faveur et d’un agrément d’Allah et portant secours à Allah ainsi qu’à Son Apôtre. Ceux-là sont les Véridiques. [5]

9 Ceux qui sont installés à [Médine] et en la foi, avant la venue [des Émigrés], aimeront ceux qui ont émigré vers eux. Ils ne trouveront en leurs cœurs nulle envie pour ce qui a été donné à ces Émigrés. A eux-mêmes, ils les préféreront, même si pénurie existe chez eux. Ceux qui se préservent de la ladrerie de leur âme, ceux-là seront les Bienheureux. [6]

10 Et ceux qui sont venus après eux en disant : « Seigneur !, pardonne-nous ainsi qu’à nos frères qui nous ont devancés dans la foi ! Ne mets point rancune en nos cœurs contre ceux qui ont cru [avant nous] ! Seigneur !, Tu es indulgent et miséricordieux. » [7]

[Contre les Hypocrites.]

11 N’as-tu point vu ceux qui ont été hypocrites, [quand] ils disaient à ceux de leurs frères qui, parmi les Détenteurs de l’Écriture, ont été [588] impies : « Si vous êtes expulsés, nous partirons certes avec vous et nous n’obéirons jamais à personne contre vous. Si l’on vous combat, certes nous vous porterons secours ! » En vérité, Allah est certes témoin que ces gens sont des menteurs. [8]

12 Si [ces Détenteurs de l’Écriture] sont certes expulsés, [ces Hypocrites] ne marcheront pas avec eux. Si on les combat, ils ne les secourront pas ou, s’ils les secourent, ils leur tourneront [ensuite] le dos et ils ne seront point secourus.

13 Croyants !, vous jetez certes en leurs cœurs plus de terreur qu’Allah. [Ces Hypocrites] sont en effet des gens qui ne comprennent pas.

14 Ils ne vous combattront, unis, que [retranchés] dans des cités fortifiées ou derrière des murailles. Leur vaillance est grande, parmi eux. [Pourtant, ils sont faibles car] vous les croyez unis alors que leurs cœurs sont séparés. Ce sont en effet des gens qui ne raisonnent point. [9]

15 Semblables à ceux qui, récemment avant eux, goûtèrent le châtiment [amené par] leur conduite, ils auront un tourment cruel.

16 [Ils sont] semblables au Démon quand il dit à l’Homme : « Sois impie ! » [mais] qui, lorsque [l’Homme] est impie, lui dit : « Je suis irresponsable de tes actes, car je crains le Seigneur des Mondes ! » [10]

17 La fin [du Démon et de l’Homme] est le Feu où ils demeureront immortels. Voilà la « récompense » des Injustes.

[Aux Croyants. Hymne a Allah.]

18 O vous qui croyez !, soyez pieux envers Allah ! Que chaque âme considère ce qu’elle a avancé pour demain ! Soyez pieux envers Allah ! Allah est bien informé de ce que vous faites.

19 Ne soyez point comme ceux qui, ayant oublié Allah, se sont fait oublier eux-mêmes par Lui ! Ceux-là sont les Pervers.

20 Les Hôtes du Feu et les Hôtes du Jardin ne sont pas égaux. Les Hôtes du Jardin sont les élus.

21 Si Nous avions fait descendre cette Prédication sur une montagne, tu aurais vu celle-ci, humble, voler en éclats du fait de la crainte d’Allah. Ces paraboles, Nous les proposons aux Hommes, [espérant que] peut-être ils réfléchiront.

[589] 22 Il est Allah — nulle divinité excepté Lui —, qui connaît l’Inconnaissable et le Témoignage. Il est le Bienfaiteur miséricordieux.

23 Il est Allah — nulle divinité excepté Lui —, le Roi, le Très Saint, le Salut (?), le Pacificateur (?), le Préservateur, le Puissant, le Violent, le Superbe. Combien Allah est plus glorieux que ce qu’ils [Lui] associent ! [11]

24 [Il est] Allah, le Créateur, le Novateur, le Formateur. A Lui les noms les plus beaux. Ce qui est dans les cieux et sur la terre Le glorifie. Il est le Puissant, le Sage. [12]

notes originales réduire la fenêtre

[1] 1 Sur ce début, v. notice de la sourate LXIV.

[2] 2 li-’awwali l-ḥašri « en prélude à leur rassemblement [pour le Jugement Dernier]. » Cette interprétation est fournie par les commt. mais après plusieurs autres. Celles-ci sont toutes irrecevables parce qu’elles obligent à donner à ḥašr(i) le sens d’« expulsion », d’« émigration » qu’il n’a pas et qui rend impossible l’explication de : li-’awwali « en prélude ». Le terme est précisé d’ailleurs par les nombreux passages où apparaît le verbe ḥašara « rassembler pour le Jugement Dernier ».

[3] 6 C’est sur ce vt. que s’appuie l’exégèse traditionnelle pour dire que les Auxiliaires ne participèrent point à l’entreprise contre les Naḍîr, en sorte que le butin et les propriétés foncières des Naḍîr échurent uniquement aux Émigrés. ǁ Vous n’avez fourni etc. = vous n’avez pas eu à recourir à la force ; cf. Tab. Mais l’interprétation est suspecte.

[4] 7 Pour Nas. et Bay., ce vt. est une simple apposition au précédent. Tab. et Razi ont bien vu au contraire que ce vt. ne vise point le même fait. Ceci est nettement prouvé par l’expression : la population des Cités ; cela ne peut s’appliquer aux Naḍîr, mais aux Juifs établis dans les oasis de Khaïbar et Fadak, dans le Wâdi l-Qurâ (text. : la Vallée des Cités), dépossédés de leurs biens à la suite de l’expédition de Mahomet en 630.

[5] 8 Aux Émigrés besogneux = aux Croyants venus de la Mekke s’établir à Médine, à l’Hégire.

[6] 9 A [Médine]. Text. : en cette demeure.

[7] 10 Ce vt., sans lien grammatical avec le précédent, se présente comme une addition. — Après eux = après les Émigrés (ou bien : après l’ensemble des Croyants formant la communauté médinoise). Dans ce cas, le vt. viserait les Mekkois convertis seulement lors de la prise de la Mekke, en 630.

[8] 11 Allusion aux promesses faites et non tenues par ‛Abd-Allah i. Ubayy, meneur du parti des Hypocrites, de secourir les Naḍîr contre les entreprises de Mahomet.

[9] 14 Unis. Les commt. comprennent qu’ils s’agit à la fois des Hypocrites et des Naḍîr.

[10] 16 De tes actes. Text. : de toi. On a conservé à ce vt. son tour elliptique. L’idée est claire : Quiconque incite au mal aura même châtiment que celui qui le commet. Les Hypocrites subiront donc le même tourment que les Naḍîr rebelles.

[11] 23 Ce vt. et le suiv. rappellent les eulogies juives, par le fond et le vocabulaire. ǁ al-Mu’minu « le Pacificateur ». Ce terme ne se trouve qu’ici appliqué à Allah. Il est impossible, en jouant sur le mot, de rendre par : le Fidèle. Le terme semble être un factitif signifiant : Qui donne la paix, la sécurité. Peut-être s’agit-il d’un mot faisant double emploi avec le suiv. dont, originellement, il n’était peut-être qu’une glose. ǁ al-Muhayminu (var. : al-Muhaymanu) « le Préservateur ». On a ici une forme nettement araméenne (cf. syriaque mehaymana).

[12] 24 Le Formateur. L’idée est fréquente dans les sourates anciennes.